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3 mai 2023 3 03 /05 /mai /2023 09:44

Pour « attaquer » le sujet du jour, Franck Hanot fait remarquer que l’Association « Chaumont-sur-Loire au fil du temps » comporte une majorité de femmes. Plus de la moitié des membres sont des femmes.

Il laisse maintenant la parole à Marie-Thérèse Wachet.

Celle-ci remercie les participants qui vont assister à un exposé sur des femmes méconnues. Elles furent connues en leur temps et sont oubliées aujourd’hui. Elle veut revenir sur la vie de quelques-unes d’entre elles. Volontairement, elle n’a pas choisi de femmes ayant participé à la guerre de 1940 ou de la Résistance. Cela devra être traité à part entière dans une autre rencontre de l’Association. Il y a matière avec les passeurs, les femmes qui ont caché des enfants juifs dans le département. Des souffrances encore vivaces dans notre région. Une autre histoire...

Marie-Thérèse a parcouru des sites, des lectures à différentes époques dans la région à la recherche de ces femmes. A leur époque, elles devaient être présentes et actives. Elle a choisi 8 femmes qui se détachaient du lot pour marquer leur différence.

 

La première d’entre elles, est une femme de lettres : Louise Dupin (1706-1799).

Louise Marie Madeleine Guillaume de Fontaine, par son mariage Madame Dupin, est née à Paris le 28 octobre 1706 et morte au château de Chenonceau, le 20 novembre 1799.

Fille naturelle d’une comédienne connue de l’époque, Armande CARTON-DANCOURT dite ­Manon Dancourt, sociétaire de la comédie française, et du grand banquier, Samuel Bernard. Elle est reconnue à sa naissance par Jean-Louis-Guillaume Fontaine (1666-1714), époux de sa mère et commissaire et contrôleur de la Marine et des Guerres. Elle épousera le 1er décembre 1722, Claude Dupin, fermier général, receveur général des Finances, seigneur de Chenonceau et du marquisat du Blanc. Elle habite l’hôtel Lambert, joyau de l’île Saint-Louis, quand elle n’est pas dans son ­château de Chenonceau. Femme d’esprit, richissime, savante et célèbre pour sa beauté, Louise Dupin est une personnalité importante du siècle des Lumières et tient un salon littéraire où elle reçoit Voltaire, Rousseau, Montesquieu… Elle était la propriétaire  par son mariage du château de Chenonceau qu’elle chérissait,  elle est inhumée dans son parc.

Elle est aussi l'arrière-grand-mère par alliance de George Sand qui ne l’a pas connue mais lui vouait une grande admiration.

Pionnière du féminisme, elle poursuit avec ténacité pendant près de dix ans une étude pour la défense des femmes avec l'aide de son ami Jean-Jacques Rousseau et écrit un imposant texte de 2000 pages sur La défense des femmes et l’égalité entre les sexes, qui se nommera : « DES FEMMES. Observations du préjugé commun sur la différence des sexes » Elle revendique l'égalité, l'accès au savoir et à la liberté conjugale.

Elle propose un contrat de mariage temporaire, renouvelable ou dissoluble. Elle s'en prend au sacrement du mariage, mais elle est favorable à celui des prêtres.

Son texte ne sera pas publié de son vivant. Il faut dire qu’en 1750, c’est proprement révolutionnaire !

Aucun de ses ouvrages ne le sera. À cette époque, où les femmes revendiquent  une plus grande place, la femme du monde est considérée comme ridicule lorsqu'elle s'avise de rivaliser avec les hommes dans les domaines les plus sérieux. Pour ne l'avoir pas compris ou accepté, son amie Madame du Châtelet qui traduisait alors Newton en français, fut l'objet des pires moqueries. Louise Dupin ne voudra pas s’exposer et ne sortira pas de son rôle : celui d'une des plus grandes femmes de lettres et d’esprit du  XVIIIème siècle. 

Louise Dupin gardera toujours la volonté de faire réévaluer le rôle des femmes dans la société, pour elle les préjugés en cours ne sont que superstitions.

 

 

 

Cependant, un universitaire, Frédéric Marty s’est attaché à réparer cela et à reconstituer ces dernières années, l’ensemble des manuscrits de Louise Dupin éparpillés à travers le monde pour pouvoir les publier.

DES FEMMES. Observations du préjugé commun sur la différence des sexes » est paru en octobre 2022 chez Garnier, ce qui en fait la première édition jamais publiée.

Voici ce qu’il dit à son sujet : « Louise Dupin qui tenait l'un des plus brillants salons de son temps, mérite de sortir d'un injuste oubli. Ses manuscrits, de la main d'un secrétaire nommé Jean-Jacques Rousseau, sont restés inaccessibles et inédits durant deux siècles. On y découvre une auteure majeure dans le domaine de la défense de l'égalité des sexes au XVIIIe siècle. Son Ouvrage sur les femmes apparait ainsi comme une encyclopédie des femmes et comme un projet global de réforme de la société pour rétablir leurs droits. Elle défend les femmes et la monarchie qu'elle souhaite cependant réformer, dans le cadre d'une pensée à la fois équilibrée, érudite et pugnace.

Dès le début de la révolution, en 1789, Louise Dupin refusera de suivre les conseils de ses amis et d’émigrer. Elle choisira de rester en France et traversera la révolution en Touraine, à Chenonceaux. La période qui s’ouvre alors, est plus difficile, elle connaît des difficultés matérielles et se remet d’une série de deuils très éprouvants dont celui de la perte de son mari et de son fils. Elle y terminera sa vie dans une certaine solitude, mais jouissant du respect des villageois qui apprécient sa bienveillance et sa générosité. Lointains sont désormais les jours heureux. Le 20 novembre 1799 (30 brumaire An VIII) à cinq heures du matin, Mme Dupin s'éteint à l'âge de quatre-vingt-treize ans.

Légende ? Propriétaire du château pendant la Révolution et grande amie des villageois de Chenonceaux, elle voulut faire un geste pour différencier la royauté, dont le château était un symbole fort, de la république. Elle aurait ainsi changé l'orthographe de Chenonceaux en supprimant le « x » final. Bien qu'aucune source n'ait véritablement confirmé ce fait, l'orthographe Chenonceau (sans x) est aujourd'hui majoritairement accepté pour désigner le château.

Anecdote : Louise Dupin recueillera sa petite fille Marie Thérèse Adam à la mort de son fils, celle-ci épousera le 2 juin 1801, le célèbre clinicien Pierre Bretonneau, médecin chef de l’hôpital de Tours.

 

La deuxième femme présentée est une femme de cœur : Louise Pauline  de Coupigny, Madame de Clocheville (1805-1884). (Fondatrice de l'hôpital pour enfants Gatien de Clocheville)

Louise de Coupigny née en 1805, comtesse de Clocheville par son mariage en 1828 avec le comte de Clocheville.  Elle est la fondatrice au 19ème siècle de l’hôpital de Clocheville, l’hôpital pour enfants bien connu, de Tours. Elle a eu le malheur de perdre son fils unique Gatien, âgé de 19 ans qui mourra de la tuberculose, le 31 octobre 1853. Ce dernier lui demande, sur son lit de mort, de consacrer une partie de sa fortune à établir un hospice pour enfants pauvres et malades.

Louise de Clocheville  va s’engager et mettre toute son énergie dans ce projet.

En 1856, elle acquiert à cette fin un immeuble sur le boulevard Béranger, l’hôtel de la Cour-des-Prés. Comme il est occupé par la division militaire de Tours, elle devra attendre 1880 pour le récupérer et entreprendre des travaux d’aménagement. En 1869, elle rédige son testament en faveur de son fils adoptif Gaston Pailhou et y ajoute des codicilles par lesquels elle fait un legs très important à la ville de Tours, dans un but humanitaire. Respectant la volonté de son fils, elle va engager un architecte pour rénover le bâtiment et le transformer en hospice pour enfants.

C’est en août 1881, qu’elle inaugure le nouvel hospice, nommé alors « asile Gatien de Clocheville ». En 1882, elle achète un immeuble voisin (La Calandre) qui va permettre de l’agrandir.

Malheureusement elle meurt en 1884, sans voir le développement de son projet. L’hôpital compte alors 60 lits et emploie 6 religieuses.

Son fils adoptif Gaston Pailhou continuera son œuvre et donnera une forte extension à l’hôpital.

A sa mort en 1893, c’est la ville de Tours qui va continuer.

Le 1er janvier 1952, la ville confie au CHRU la gestion de l’hôpital.

Le centre pédiatrique de Clocheville comprend 11 services médicaux et accueille les enfants de toute la région. Aujourd’hui, il compte 213 lits, il est équipé d’1 scanner et d’une IRM.
Grâce à la générosité de cette femme, près de 15 000 enfants sont hospitalisés chaque année et 65 000 accueillis en consultation externe.

Marie-Thérèse a trouvé intéressant de parler de Madame de Clocheville car cet hôpital de Tours porte son nom et en 2023 continue à apporter une aide considérable aux familles.

La troisième femme est une femme de science : Henriette Delamarre de Monchaux.

Elle naît le 11 octobre 1854 à Paris,  fille de Théodore Delamarre et Mathilde Lyautey, c’est une naturaliste, géologue et paléontologue française. Elle est pionnière dans ces deux dernières disciplines, et devient notamment une spécialiste des faluns.

Ses ouvrages, notamment Les Faluns de La Touraine sont aussi un plaidoyer pour la théorie de l'évolution. Elle fut également une militante féministe. Elle épouse en 1875 Pierre Lecointre, comte romain (noblesse pontificale). Elle signe ainsi plusieurs de ses articles comtesse Pierre Lecointre. Elle est donc parfois identifiée sous ce patronyme.

Son mari est membre de plusieurs sociétés savantes, et notamment de la Société archéologique de Touraine, de la Société de géographie de Paris, le couple réside au château de Grillemont, situé dans la commune de  La-Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre et Loire). Ils en confient la restauration à l'architecte Charles Guérin. Tous deux manifestent un attachement au catholicisme et au royalisme , elle sera d’ailleurs présidente des Dames Royalistes de Touraine.

Rapidement, la comtesse s’intéresse à de nombreux sujets, le régionalisme, à travers le folklore tourangeau, mais aussi au rôle des femmes et devient une féministe  engagée. Elle développe aussi une activité scientifique, autour de la géologie et de la paléontologie et s'engage dans plusieurs causes humanitaires, sociales et féministes. Ainsi, elle participe à la fondation de la Société française de Secours aux blessés de guerre en 1884, et en 1908, au Congrès national des droits civils et du suffrage des femmes. Henriette Delamarre de Monchaux milite au Conseil national des femmes françaises. Proche de Hubertine Auclert, elle réclame notamment le droit de vote des femmes.

TRAVAUX SUR LES FALUNS

À partir des années 1890, la comtesse Lecointre constitue une importante collection de fossiles miocènes et mène des études sur les faluns de Touraine, d’abord en autodidacte. Puis elle s'appuie sur des échanges réguliers avec des scientifiques européens, notamment : Gustave-Frédéric Dollfus (1850-1931), président de la Société géologique de France qui l'influence beaucoup, le malacologiste et zoologiste belge, Lucien Mayet (1874-1949), et Constant Houlbert(1857-1945), professeur à l’université de Rennes et entomologiste.

Elle est également en contact avec des chercheurs d'institutions scientifiques telles que le Museum d'Histoire naturelle de Paris et la Société des sciences naturelles de Blois. Elle est elle-même admise au sein de la section sciences de la Société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d’Indre-et-Loire en 1908.

Elle s'appuie sur sa collection de fossiles pour ses travaux. Elle participe à l'étude des falunières voisines et de leurs fossiles. Elle y voit une confirmation de la théorie de l'évolution dont elle est précocement partisane. Les faluns sont des roches sédimentaires calcaires du Miocène généralement friables. Elle en fait connaître l'intérêt, aussi comme amendement agricole bien adapté à la majorité des terres de limon acides (dites en Touraine de bournais) du voisinage, le Plateau de Sainte-Maure ; les falunières ne représentent en effet que quelques taches dans un paysage de terres médiocres.

Ses travaux sont publiés dans les Annales et Bulletins de ces sociétés entre 1907 et 1911 et, sous le titre général Les formes diverses de la vie dans les faluns de Touraine, dans La Feuille des jeunes naturalistes. Son ouvrage de synthèse Les faluns de Touraine (Tours, 1908) fait le point sur les fossiles et l'évolution des idées concernant les faluns, à travers l’histoire. En 1909, elle collabore avec Lucien Mayet autour d'une publication sur les restes de mammifères détectables dans les faluns. La même année, elle compare les faunes des dépôts de Touraine et celles du Miocène moyen recueillies dans le sud-est des Etats-Unis.

Elle transmet sa passion à son fils Georges, devenu géologue et paléontologue.

Henriette Delamarre de Monchaux décède à Paris le 13 avril 1911.

Les taxons Tristomanthus lecointreæ, Fibularia lecointreæ et Echinanthus lecointreæ, désignant des espèces d’oursins lui ont été dédiées, car elle avait recueilli les spécimens étudiés.

Tout le monde a compris le clin d’œil à notre président géologue !

La quatrième femme évoquée est une femme de lettres : France Darget Savarit, la muse tourangelle de la Belle Époque.

France Darget Savarit, est née Thérèse Louise Darget le 26 décembre 1886 à Pontivy , fille de Louis Darget et Jeanne Maillet. Elle est décédée le 26 août 1965 à Limeil-Brévannes. 

Son père est commandant et officier de cavalerie, photographe amateur, passionné de sciences occultes et de spiritisme. La famille s'installe à Tours, en1895. Elle a une sœur Denise qui fera partie des premières femmes agrégées de mathématiques. Louis Darget est profondément patriote et marqué par la guerre de 1870 ; il refusa de se  rendre aux Prussiens  pendant le siège de Metz avec d’autres officiers contrevenants comme lui aux ordres du maréchal Bazaine.

France Darget est bercée par les expériences militaires de son père et sa poésie est imprégnée des thèmes de la bravoure militaire, la revendication du retour de l'Alsace-Lorraine comme territoire français, la foi catholique et la terre, la bonne terre des campagnes qu’à son grand désespoir désertent les laboureurs attirés par le mirage des villes dans lesquelles, selon les convictions de la jeune fille, se débat, «dans la boue et la fange noire, un peuple de fourmis » et où tout n’est que bruit, saleté, perversité. Son poème « Les laboureurs » est l’ode à une campagne idyllique, il est composé de 10 strophes et 96 vers, écrit d’une seule traite le jour de ses 13 ans !

 Les Tourangeaux la découvrent dans la presse locale : Le Messager, le Journal d'Indre et Loire, les Affiches tourangelles. Ses vers peuvent aussi être plus légers et d’inspiration  plus romantique. La presse parisienne fait également l'éloge de la poétesse prodige : à 13 ans, elle est considérée comme la plus jeune poète du début du siècle. Voici ce qu’on peut lire dans la presse parisienne en 1900. « Il y a en ce moment, à Tours, une très jeune fille qui  compose des odes d’une facture impeccable et d’un souffle vraiment lyrique. C’est peut-être le grand poète de demain…Elle fait des vers comme l’oiseau chante, comme la fleur embaume, comme l’eau frissonne- naturellement. Il  semble même qu’à l’instar d’Ovide, elle n’ait jamais employé d’autre langage que le langage des dieux...

Sully Prudhomme, poète et académicien français, encourage la poésie de la jeune fille.

France est invitée dans les cercles cultivés de Tours où en 1900, à la soirée organisée par  la SLAT, elle récite son poème  « Une larme ». L’auditoire est sous le charme. En 1901 paraît son premier recueil de vers, « Premières  Poésies ». Il réunit les 43 poèmes publiés depuis deux ans dans Le Messager, plus une  pièce en vers. En 1906, elle obtient la primevère d’argent des jeux floraux de Toulouse pour sa nouvelle poésie : Les marronniers du Luxembourg. En 1907, elle rencontre le journaliste Maurice Savarit, rédacteur de l’Echo de Paris et l’épouse un an plus tard à Saint Maurice La Riche. C’est maintenant à Paris qu’elle va résider le plus souvent. Elle y  côtoie les femmes de lettres comme Mmes Alphonse Daudet, Lucie Félix-Faure Goyau, Judith Gauthier, les fondatrices du prix Femina... Elle collabore à la Revue des Poètes, participe au Salon des Poètes du Grand Palais… Sa renommée et sa beauté font alors l’orgueil des tourangeaux.

Au-delà de ces succès, elle va connaître un grand chagrin personnel, la mort de son premier fils Christian en 1909. Ce deuil va lui inspirer de nouvelles poésies « Les matinales » qui recevront la même année le prix Davaine de l’Académie Française. Le livre se clôt sur un magnifique hommage, à la Loire, la Loire sauvage, « la grande Inutile aux lignes toujours neuves, qu’on veut dompter par digues et barrages »  et tout cela pour les besoins d’un trafic engendré par les futures usines qui borderaient son cours (allusion au projet de Loire navigable envisagé à l’époque).

En février 1910, France mettra au monde un second fils, prénommé lui aussi Christian. Devenu  adulte, il  prendra  le  pseudonyme  de  Claude Darget  et  sera  le  célèbre  présentateur  des  débuts  de  la  télévision celui qui fondera le premier journal télévisé en 1949.

L’œuvre de France Darget aussi bien en poésie qu’au théâtre est aujourd’hui complétement oubliée.

A noter que son travail a fait partie de l'épreuve littéraire du concours artistique des Jeux Olympiques d'été de 1924.

Jean-Noël Wachet nous lit le poème de l’insecte-feuille et Marie-Thérèse, trois strophes du poème sur la Loire...

La cinquième femme est oubliée aujourd’hui mais elle a aussi marqué son époque : Mado Robin, la femme à la voix la plus haute du monde, une cantatrice.

Madeleine Marie Robin, dite Mado Robin, est née le 29 décembre 1918  à Yzeures-sur-Creuse en Indre-et-Loire  et morte le 10 décembre 1960 à Paris, est une cantatrice soprano française. Elle fut surnommée « la voix la plus haute du monde », pouvant atteindre le double contre-ut même si elle ne se contentait que largement de son contre-si bémol, surprenant les publics du monde entier. La famille de Mado Robin possédait depuis 1925 le château des Vallées à Tournon-Saint-Pierre  près d'Yzeures-sur-Creuse. Elle passe sa jeunesse avec ses deux sœurs, élevée dans un environnement musical, entre les études à la ville et les séjours à la campagne. À treize ans, ses capacités vocales l'amènent à travailler sa voix avec Mme Fourestier. Remarquée par le baryton italien Titta Ruffo, celui-ci la recommande à son ami Mario Podesta, qui la forme alors au bel canto.

Après deux années d’initiation, elle remporte en 1937 le premier prix du concours des sopranos de l'opéra de Paris. En 1942, avec l'aide de Mario Podesta et la maison de disques Pathé-Marconi, elle donne un récital salle Gaveau à Paris. Elle atteint la consécration en 1944, avec ses débuts au music-hall, sur la scène de l'A.B.C, et à l'Opéra de Paris, dans le rôle de Gilda de Rigoletto.

Elle devient célèbre dans le monde entier pour ses excursions dans la stratosphère vocale en parvenant à donner un contre-contre-ré, la note la plus aiguë jamais chantée. Elle était souvent surnommée avec respect « The French stratospheric colorature ». Un célèbre journal américain titrait alors « Elle a franchi le mur du son ». En 1952, elle enregistre Lakmé sur disque Decca. Très présente à la radio en France dès les années 1950, puis à la télévision, elle crée en 1951, Rossignol d' Igor Stravinsky à l'opéra de Monte-Carlo.

Elle triomphe en 1954 dans le rôle de Rosine lors de représentations exceptionnelles du Barbier de Séville à l'opéra de Marseille où le jeune Roberto Benzi dirige son premier ouvrage lyrique complet.

Elle fait également de nombreuses tournées à l'étranger, notamment à San Francisco et à Los Angeles où, la même année, elle chante Lucia di Lammermoor de Donizetti, puis en Union Soviétique où elle donne en 1959, treize concerts en vingt jours, interprétant Rigoletto de Guiseppe Verdi en russe.

Par ailleurs, elle ne dédaigne pas de chanter dans les fêtes populaires, notamment au profit d'œuvres sociales et des prisonniers durant la Seconde Guerre Mondiale, dans sa région natale et au Blanc.

Reynaldo Hahn, directeur de l'opéra de Paris disait à son sujet qu'avec cette chanteuse on ne transpose jamais. Son contre-si bémol émerveilla le public de nombreuses salles de spectacles à travers le monde. Elle atteignait la hauteur du ré 6, soit 2 320 vibrations à la seconde. D'autres chanteuses ont atteint cette note, mais elle fut la seule à réussir une carrière internationale sur les scènes lyriques.

Ses cordes vocales, étudiées par des scientifiques avaient une épaisseur d'un centimètre. Elle fut emportée par la maladie peu de temps avant d'interpréter pour la 1500è représentation le rôle-titre de Lakmé.

Mado Robin était très appréciée pour sa modestie et sa gentillesse toute naturelle. Elle passait ainsi de nombreuses heures à prendre soin de ses collègues chanteurs auxquels elle apportait réconfort et soutien, une femme bienveillante et généreuse. Selon son agent, Robert Deniau, « elle a toujours semblé s'excuser d'avoir du talent ».

Mariée à 17 ans avec l'Anglais Alan Smith, mort peu de temps après la fin de la Seconde Guerre Mondiale dans un accident de voiture, elle en eut une fille, Michelle.

Un musée lui est consacré dans sa commune natale. Inauguré en décembre 2009, il détaille sa vie à l'aide de nombreux objets-souvenirs comme des costumes ou de vieux tourne-disques lui ayant appartenu. Près de là s'élève un buste à son effigie, œuvre de Jacques Walter. Le Centre Paris Anim’ Mado Robin dans le 17ème arrondissement de Paris lui rend hommage. 

Marianne Mélodie produit en 2010 un documentaire sur Mado Robin « La Voix la plus Haute du Monde et les 50 ans de sa mort ». 

 

Jean-Noël nous passe un extrait d’émission de TV où en direct dans les années 50, Mado Robin interprète dans une émission de variétés Les clochettes de Lakmé.

Son image, sa voix passe dans la salle, une voix si haute, encore humaine ?

Une première technique pour notre Association.

La sixième choisie est une femme de théâtre et de cinéma : Madeleine Sologne, une actrice mythique de l’occupation.

Madeleine Simone Vouillon, de son nom de scène, Madeleine Sologne, est une actrice de théâtre et de cinéma française, née le 27 octobre 1912 à La Ferté-Imbault  (Loir et Cher) et morte le 31 mars 1995 à Vierzon (Cher).

Issue d'une famille modeste vivant dans un village près de Romorantin, en Sologne, elle fera du nom de cette région, son nom de scène. « J’avais dit-elle, un amour si fervent pour cette région que je pris son nom »

Elle quitte La Ferté-Imbault à la mort de sa mère, puis se place à 16 ans comme apprentie chez Caroline Reboux, célèbre enseigne de création de chapeaux à la mode, à Paris. Elle ouvre ensuite son propre magasin de modiste.

En 1936, elle épouse un caméraman Alain Douarinou. Elle devient parallèlement modèle pour le peintre Moïse Kisling, qui l'incite à prendre des cours de théâtre. C'est ce qu'elle fera, auprès de Julien Bertheau et de Jacques Baumer. Sa première expérience théâtrale est dans Boccace, conte 19, de Julien Luchaire. Elle fait ses débuts au cinéma, décrochant un petit rôle dans La vie est à nous de Jean Renoir, en 1936.

Sur le Portrait de Madeleine Sologne en 1936 peint par Moïse Kisling, elle est brune naturelle. Elle tournera ensuite des rôles de gitanes, notamment dans Les gens du voyage, de Jacques Feyder. Elle progresse dans la carrière, en partenaire de Fernadel dans Raphaël le Tatoué de Christian Jaque. Elle regrettera cependant d’avoir refusé pour cela le rôle proposé par Marc Allégret dans Entrée des artistes et qui reviendra à la comédienne Odette Joyeux.

 

En 1939, elle accède au statut de vedette aux côtés d' Erich Von Stroheim et de Robrt Le Vigan dans Le Monde tremblera.

La consécration vient avec L'éternel retour, transposition moderne du mythe de Tristan et Yseult, écrit par Jean Cocteau et réalisé par Jean Delannoy. Aux côtés d'un Jean Marais débutant, Madeleine Sologne y  incarne Nathalie, nouvelle Yseult à la longue chevelure blonde. Le couple, qui symbolise la jeunesse sous le joug de l'Occupation, devient mythique aux yeux de toute une génération. Les deux ont les cheveux teints en blond...Sur le tournage, ils sont insultés car le blond représente les Allemands, les Aryens mais le film va plaire à la jeunesse. Les jeunes filles se coiffent désormais « à la Madeleine Sologne », avec une longue mèche tombante. Mais jamais elle ne parviendra à échapper à ce personnage qui a marqué durablement le public.

Et ce rôle considérable sera son chant du cygne, elle continuera à tourner dans de nombreux films mais de qualité inégale et après quelques rôles mineurs, la comédienne abandonne les plateaux en 1948.

On la voit encore au théâtre, notamment dans La Forêt  pétrifiée de Robert E. Sherwood, puis dans Aux quatre coins de Jean Marsan et dans L'Homme traqué de Francis Carco. Mais elle a déjà quitté Paris pour retourner vivre en Sologne. On l'apercevra une dernière fois au cinéma en 1969, dans Le Temps des loups de Sergio Gobbi.

Madeleine Sologne était restée attachée à sa région natale et en particulier à La Ferté-Imbault où elle a épousé en 1948, en secondes noces Léopold Schlossberg, rencontré sur un tournage ; elle y passait chaque année des vacances au mois d'août et était la marraine des majorettes de la commune.

Madeleine Sologne est décédée dans une maison de retraite de Vierzon, le 31 mars 1995. Elle fait don de son corps à la science et ses cendres sont inhumées dans la fosse commune du cimetière parisien de Thiais, dédiée à tous ceux qui ont donné leur corps à la science.

 

Jean-Noël nous montre un extrait du Le monde tremblera avec Madeleine Sologne et Erich von Stroheim.

La septième femme peut sembler avoir une facette plus légère, pour les femmes, quoique ...

Une femme d’affaires et une inventrice française, Herminie Cadolle.

Eugénie Herminie Sardon est née le 17 août 1842 à Beaugency (Loiret), et décédée en 1926 à Saint Cloud, à l’âge de 81 ans. On sait peu de choses sur ses origines. En 1860 elle se marie avec Ernest Cadolle, peintre en bâtiment. Le couple va ensuite s’installer à Paris dans le quartier de la Villette. Herminie Cadolle devient ouvrière dans un atelier de fabrication de corsets. Puis la guerre de de 70 arrive et c’est le siège de Paris. Son mari est enrôlé dans la Garde nationale. Engagée et féministe, elle côtoie les figures politiques majeures de son temps et devient amie de Louise Michel qu’elle a rencontrée au Comité de vigilance des femmes du 18; elle participe à l’Union des femmes pour la défense de Paris et aux soins aux blessés et fera six mois en prison à cause de son rôle dans l’insurrection de la Commune de Paris. Après 1871, elle devient trésorière du Comité d’aide aux amnistiés qui soutient les anciens communards. En 1887, probablement après le décès de son mari, Herminie Cadolle s’exile en Argentine, pays en plein boom économique où se trouvent d’anciens communards.

Ancienne ouvrière corsetière, elle fait fortune à Buenos Aires en fondant une maison de lingerie. 

C’est à ce moment-là,  qu’elle a l’idée de concevoir le corselet-gorge, c’est l’inventrice du soutien-gorge !

Il va libérer les femmes de l’oppression du corset et va être une véritable révolution pour elles. Herminie Cadolle a l’idée de couper le corset en deux pour libérer le corps féminin et d’ajouter une armature.

Elle présente ce modèle à l’Exposition Universelle de Paris en 1889 et le nomme « Bien-Être ». Mais il ne rencontrera pas tout de suite le succès espéré et c’est seulement en 1898 qu’il sera breveté par l’INFI.

En 1910, Herminie Cadolle ouvre une boutique à Paris, rue Cambon, le succès ne fera plus défaut. D’autres créateurs de mode, vont participer à ce mouvement et  s’installer à proximité. Les clientes affluent. Parmi elles figureront Mata Hari et Mistinguett.

Elle crée des collections raffinées de lingerie : décolletés, robes moulantes … Par ses multiples créations, elle va être le premier trait d’union entre le métier de la corsetterie et la Couture : la « touche Cadolle » était née. Va suivre le « boyish form »  (soutien-gorge aplatisseur) créé pour Coco Chanel en 1925 ! A la sortie de la guerre, les femmes se donnent des allures de garçonnes, il s’agit à cette époque de s’affranchir du passé et d’adopter des critères plus masculins pour marquer une nouvelle liberté. Elles ne veulent plus revenir aux modes d’antan qui entravaient la femme.

Des femmes connues porteront ces créations, notamment la joueuse de tennis Suzanne Lenglen, la duchesse de Windsor.

Herminie Cadolle est également la première à faire de la vente par catalogue.

Aujourd’hui, la maison Cadolle spécialisée dans la lingerie de luxe (640€ pour un soutien-gorge sur mesure !) continue d’exister en région parisienne, elle est dirigée par une descendante Cadolle de la sixième génération.

 

La huitième et dernière femme pour terminer ces portraits est Marguerite Audoux, une écrivaine, une femme de terroir.

Marguerite Audoux, née Marguerite Donquichote ( patronyme attribué par un employé de mairie à son père, enfant trouvé) est une romancière française, née le 7 juillet 1863 à Sancoins (Cher) et morte le 31 janvier 1937 à Saint-Raphaël (Var). Le père de Marguerite Audoux est charpentier, sa mère est journalière. Celle-ci meurt de phtisie lorsque Marguerite est âgée de trois ans. Marguerite et sa sœur aînée Madeleine sont confiées à une tante. Puis, suite à l’abandon du père, elles sont placées à l'orphelinat de Bourges. A l'âge de 14 ans, Marguerite est placée, en tant que bergère et servante de ferme, en Sologne, à Sainte-Montaine, près d'Aubigny-sur-Nère. Elle connaît, les jours d’hiver particulièrement, la solitude des petits bergers, quand le brouillard s’avance sur la plaine et l’effroi causé par la présence des loups affamés. Elle se réfugie le soir dans la lecture.

 

À 18 ans, elle part s'installer à Paris. Elle exerce le métier de couturière. Pour compléter son salaire, elle travaille à la Cartoucherie de Vincennes ou à la buanderie de l’Hôpital Laennec. Elle écrit la nuit. Elle souffre des yeux et les médecins lui conseillent d'arrêter la couture sous peine de devenir aveugle. Elle commence à écrire ses souvenirs,  ceux-ci sont envoyés par un ami, Michel Yell, à l’écrivain Octave Mirbeau, (tous deux du groupe littéraire de Carnetin, dont fera aussi partie Marguerite) qui le lit et enthousiaste va le proposer aux éditeurs.

 

C’est ce roman Marie-Claire qui va la faire connaître, présenté pour le prix Goncourt, il reçoit finalement le prix Femina, le 2 décembre 1910. Son nom de plume sera celui de sa mère.

Les ventes dépassent les cent mille exemplaires. Il est traduit en allemand, en anglais, en espéranto, en russe, en catalan, en suédois, en espagnol, en danois, en slovène.

Marguerite va sortir définitivement de son atelier de couture et recevoir le soutien et l’amitié d’illustres contemporains : Octave Mirbeau, Alain-Fournier (qui fera part à Péguy de son admiration pour elle), Valéry Larbaud (qui l’aidera à recopier un manuscrit de roman), car Marguerite a toujours des crises d’ophtalmie.

 

C’est ce premier roman qui va donner son nom au magazine Marie Claire, dont le premier numéro paraît en 1937, année de la mort de l'auteure. La réutilisation du titre de l'œuvre n’a pas été contestée par les héritiers, y voyant sans doute une reconnaissance pour cette voix de paysanne qui a réussi à donner corps aux femmes du peuple.

Le magazine marque en effet une évolution de la presse féminine et cherche à s'adresser à un lectorat plus large tout en restant grand public. La présentation du futur magazine au public en 1937 semble le portrait de l'héroïne du roman : «Marie Claire, dans notre esprit, est le type de la jeune femme et de la femme française.»

Marguerite Audoux ne se serait pas définie comme féministe. Son activité littéraire n’est pas ouvertement politique ni revendicatrice. Mais son œuvre raconte la difficile condition de femme dans la société très patriarcale de la Belle Epoque. Sont nombreuses les veuves, filles-mères, femmes seules ou abandonnées, meurtries, et enfermées dans les codes sociaux qui empêchent leur épanouissement.

 

Marguerite Audoux raconte aussi son histoire, celle de sa jeunesse, abandonnée par son père, ainsi que sa sœur, elle devra affronter un monde qui ne lui laissait au départ que peu de possibilités de réussite.

Trois autres romans suivront  après le premier mais ne rencontreront pas le même succès.

En 1920 : L’atelier de Marie Claire. En 1926 : De la ville au moulin

Et en 1937, un livre posthume : Douce lumière.

Un prix Marguerite Audoux a été créé en 1997.

Marie-Thérèse Wachet est remerciée pour son exposé riche qui nous a permis de rencontrer des femmes aux destins différents, de tous milieux et d’un tempérament hors normes.

Ses recherches sur le net n’ont pas toujours été faciles car suivant les sujets, il n’y a pas toujours beaucoup d’indications.

 

Des précisions, des échanges et des questions vont terminer cette rencontre.

 

Le public et les deux intervenants pour l'exposé et la technique...
Le public et les deux intervenants pour l'exposé et la technique...

Le public et les deux intervenants pour l'exposé et la technique...

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